Je ne suis pas journaliste, ni chroniqueuse… mais c’est drôle je suis capable de faire preuve de beaucoup plus de rigueur lorsqu’il s’agit de baser mes opinions sur des faits, des statistiques et la réalité.
Dans une des (très nombreuses) publications de Martineau où il s’attaque à Safia Nolin, et quiconque la soutient, il prétend que Durocher défend la »présomption d’innocence après que Safia Nolin ait supposément »accusé faussement Patrick Bruel d’être un agresseur sexuel ». (Voir la capture d’écran pour référence)
Présomption d’innocence
Premièrement, c’est pas Safia Nolin qui a accusé Patrick Bruel d’agression sexuelle, mais bien deux victimes. Safia n’a fait que relater les faits publics et partagé son opinion face à l’hypocrisie de Star Académie qui a choisi d’inviter un artiste dénoncé pour violences sexuelles, deux semaines après une performance de personnes victimes/survivantes de violences.
Deuxièmement, je ne sais pas combien de fois il faudra répéter que la présomption d’innocence est un terme utilisé en matière de droit criminel pour éviter qu’une personne innocente se retrouve en prison. Mais cette présomption d’innocence ne peut s’appliquer dans les débats et discussions publiques entourant les violences sexuelles, ni servir à faire taire les personnes survivantes et leurs allié·e·s. Les conséquences d’en parler, versus d’être reconnu coupable au criminel et incarcéré ne se comparent même pas.
»Si la présomption d’innocence est un outil juridique qui protège les accusés de conséquences négatives comme l’emprisonnement, elle ne devrait pas les protéger de toutes les critiques. Une part de chaque crime doit être traitée à l’extérieur des tribunaux, à l’extérieur du système judiciaire ». (2015, Le Devoir)[1]
Plusieurs avocat·e·s et étudiant·e·s en droit se sont déjà prononcé·e·s sur le sujet alors je vais éviter de répéter et simplement vous partager certaines sources pour que vous fassiez vous-même le travail intellectuel que vous n’avez clairement pas encore fait.
Faussement accusé selon qui?
Je sais pas sur quoi Martineau se base pour affirmer sans aucun doute que Patrick Bruel a été faussement accusé? Personne (ni les enquêteur·ice·s, ni les avocat·e·s) ne s’est prononcé sur la culpabilité ou non de Patrick Bruel. Dans un article de La Presse, on peut y lire que les dossiers ont été classés sans suite : »En l’absence d’éléments permettant de caractériser une infraction pénale ». [2] (La Presse, 2021). Est-ce que ça veut dire que les accusations étaient fausses? Non. N’importe quel·le juge ou avocat·e dirait la même chose : l’absence de preuves ne veut aucunement dire qu’il n’y a pas eu d’agression sexuelle ou que l’accusation est fausse.
Et après c’est Durocher qui prétend, sarcastiquement, que Safia devrait être nommée ministre de la Justice. C’est plutôt son mari qui semble se prendre pour un juge et un jury en affirmant des conneries non fondées.
Petite tranche de vie (vraiment pas unique)
J’ai moi-même porté plainte pour agression sexuelle. Et comme tellement d’autres (77,13%) [3], mon dossier n’a pas été à procès par manque de preuves. Le procureur m’a répété à plusieurs reprises qu’il me croyait et que sa décision ne voulait absolument pas dire que je n’avait pas été agressée, mais qu’il n’y avait pas assez d’éléments de preuves pour qu’il soit sûr de pouvoir gagner le procès. Et oui, quand le procureur n’est pas certain de gagner à procès, il ne va pas de l’avant.
C’est une question d’argent (évidemment). Et comme Safia l’a nommé, à moins de porter une caméra GoPro en tout temps, il est impossible d’avoir des preuves hors de tout doute raisonnable.
Plus de chances que la personne accusée soit en effet coupable que la personne victime/survivante mente
Mon expérience avec le système judiciaire n’est vraiment ni unique, ni spéciale. Comme j’ai déjà mentionné, une grande majorité des dossiers ne se rendent pas à procès et 18% ne se rendent même pas dans les mains d’un·e procureur·e.[4] Pourtant, on prétend que parce que la plainte n’a pas été retenue, qu’il n’y a pas eu de procès ou que l’agresseur n’a pas été reconnu coupable lorsqu’il y a procès, faute de preuves, que les victimes et personnes survivantes mentent automatiquement. Alors que statistiquement parlant le pourcentage d’accusations non fondées ‘’ n’est pas plus élevé que pour d’autres crimes’’. La Presse, 2017.[5] Pourtant seules les victimes/survivant·e·s de violences sexuelles sont blâmées et discréditées dans l’espace public. Pourquoi s’acharner sur les personnes victimes/survivantes de violences sexuelles?
Risque énorme de backlash
Et pourquoi voudrait-on inventer une histoire et passer à travers un processus hyper difficile et invalidant pour les victimes (que ce soit via le système judiciaire ou en dénonçant publiquement)? S’attirer l’attention de personnes comme Mardineau et Durocher? Quand on voit comment Safia se fait menacer de mort, se fait harceler dès qu’elle ose s’exprimer sur un sujet, reçoit des insultes quotidiennement de la part de chroniqueur·se·s de marde en plus des graffitis et des commentaires violents sous toutes les publications. Laissez-moi vous dire qu’inventer une histoire d’agression sexuelle ne serait pas à notre avantage du tout, voyant la façon dont les victimes/survivant·e·s sont traité·e·s.
Les (non)conséquences sur les agresseur·se·s
Et d’un autre côté, les »conséquences » sur les agresseur·se·s sont minimes ou inexistantes. On le voit bien dans l’espace public que les agresseur·se·s peuvent continuer de faire ce qu’ils veulent pendant que les victimes se font traîner dans la boue, traiter de menteuses, etc. Gilbert Rozon a été accusé et reconnu coupable pour agression sexuelle en 1998 et il a obtenu une ABSOLUTION INCONDITIONNELLE [6] ce qui lui a permis de continuer à voyager dans le cadre de son travail à Juste pour rire. Même lorsque les agresseurs sont reconnus coupables, ce qui est extrêmement rare, ils n’ont pas véritablement de conséquences, surtout lorsqu’ils sont des personnalités publiques.
Revenons à nos moutons
Pour revenir au pourquoi que Safia a abordé le sujet de la prestation de Patrick Bruel (parce que nos deux esti de twits s’amusent à faire dévier la discussion initiale, tactique de manipulation très connue).
Star Académie n’aurait jamais dû inviter Patrick Bruel à performer. Qu’on puisse être certain·e à 100% ou non qu’il a agressé sexuellement les femmes qui ont porté plainte contre lui, ça ne change rien. On ne peut pas affirmer qu’il est innocent et on ne devrait pas risquer de re-traumatiser ses victimes (ou tout·e autre victimes/survivant·e·s) en idolâtrant leur agresseur. On ne devrait pas donner l’espace à une personne qui a été dénoncée pour agression sexuelle alors que deux semaines avant, des personnes victimes/survivantes ont performé sur la même scène. Il n’y avait aucune nécessité de l’inviter à l’émission. C’est important en tant que société de choisir de croire les victimes/survivant·e·s et de prioriser leur bien-être. Ne pas inviter Bruel à l’émission n’aurait clairement pas eu un effet aussi négatif sur lui, que les effets re-traumatisants et invalidants sur les victimes/survivant·e·s de violences sexuelles.
P.S : By the way, voici la définition de harcèlement, selon la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) : »Se manifeste par des paroles ou des comportements offensants, méprisants, hostiles ou non désirés. C’est généralement la répétition de paroles ou de comportements offensants qui créent le harcèlement. » [7] D’autant plus lorsque la personne vous demande explicitement à plusieurs reprises de cesser ce comportement. Fak Mardineau et Durocher, ARRÊTEZ de harceler et de vous acharner sur Safia!
❤ pleins de love et de soutien à Safia ❤
Sources
[1] Les dénonciations publiques d’agressions sexuelles: du mauvais usage de la présomption d’innocence. Michael Lessard, Octobre 2015, Le Devoir
[2] Allégations d’agression et harcèlement sexuels: Classement sans suite d’enquêtes visant Patrick Bruel. Septembre 2021, La Presse
[3] Combien de plaintes pour agression sexuelle aboutissent à un procès? Claudie Simard, mars 2018, Radio-Canada.
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1089769/agression-sexuelle-justice-victime-proces
[4] Les plaintes pour agression sexuelle: Comment la police enquête-t-elle? Geneviève Breault, Ligue des droits et libertés, février 2019.
[5] La vérité sur les ‘’fausses’’ plaintes. Rima Elkouri, La Presse, avril 2017.
https://plus.lapresse.ca/screens/394ad0e5-c3b7-4fc9-ac53-286df6355f6b__7C___0.html
[6] Gilbert Rozon, un nom déjà gravé dans le Code criminel. Louis-Denis Ebacher, Le Droit, octobre 2017
[7] Le harcèlement. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.
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