Care plutôt que défoulement

En tant que militant.e.s nous sommes confronté.e.s à pleins d’injustices, de violence physique et psychologique de la police et de l’État en plus de la judiciarisation qui nous gobe toute notre énergie. On vit des choses pas toujours faciles et c’est normal d’avoir besoin de prendre soin de soi, c’est même je dirais: nécessaire.

Culture de l’intoxication

J’entends souvent des militant.e.s se dire qu’illes vont aller boire après une manif rough pour se «défouler». Je n’ai rien du tout contre l’alcool. Une bonne bière post-manif pour se changer les idées ça fait toujours du bien. À court terme. À long terme, la répression et brutalité qu’on a subi ne s’effacera pas et risque même de s’accumuler avec le nombre d’actions et de manifs.

De plus, après une manif où on a vécu des émotions fortes, de la peur, de la colère voire même de la rage, on en revient dans un état assez vulnérable. Tout ça rajouté à l’alcool et\ou aux drogues, font un mix qui peut souvent tendre vers des comportements pas toujours agréables et consentents.

Reprendre le pouvoir

Dans une manif, lorsque la police nous enlève notre droit de manifester et de s’exprimer en nous arrêtant, nous mattraquant, nous judiciarisant, on perd un pouvoir et on se sent impuissant.e.s.. ça va de soi.

C’est aussi normal de vouloir trouver une façon de reprendre le pouvoir. Juste pas sur les autres. Malheureureusement c’est souvent ce qui arrive dans les relations interpersonnelles et intimes. Reprendre le pouvoir en imposant à des personnes qu’on aime et qui nous aime des gestes, comportements et des besoins sans prendre en compte l’autre personne, ce n’est certainement pas une façon constructive de reprendre du pouvoir.

Enlever le pouvoir à d’autres pour reprendre du pouvoir c’est un peu (pas mal) c’que les flics font avec nous. Et ce serait utopique de croire que parce qu’on se dit anarchistes ou contre toutes les formes d’oppressions, qu’on est à l’abri des systèmes d’oppressions dans nos propres milieux et qu’il est impossible de les reproduire dans nos relations interpersonnelles.

Care

Plutôt que de simplement se «défouler» en s’intoxiquant et en retournant au front des lignes de polices pour gueuler notre rage (ce qui peut être tout à fait légitime) il me semble nécessaire de prendre aussi soin de ces blessures que l’État nous inflige.

Prendre soin de soi c’est aussi tenter d’éviter de reproduire ce qu’on nous a fait vivre comme violence. Prendre soin physiquement de nos blessures, mais aussi du stress et des effets psychologiques que ça peut avoir sur nous est aussi nécessaire.

Psychologie à deux cennes

J’suis pas psychologue, mais après avoir vécu plusieurs agressions sexuelles dans le milieu militant, j’ai pu réfléchir et constater quelques éléments.:

1- La plupart des agressions sexuelles sont commises par des hommes sur des femmes.

2-Les hommes sont souvent ceux qui sont le plus souvent en ligne de front avec la police.

3-Logiquement en ligne de front il y a des risques de vivre de la violence physique. On vit systématiquement aussi de la violence psychologique et une perte de pouvoir.

4- Les hommes vont rarement chercher de l’aide psychologique (et même physique) après avoir vécu de la violence policière.

5- De ces mêmes hommes j’en connais plusieurs qui ont commis des agressions sexuelles. Ils ont enlevé le pouvoir à des femmes en leur imposant des gestes et comportements et leur ont fait violence.

Remarquez vous un lien ? Pour reprendre le pouvoir la police enlève le pouvoir aux militants (qui face à la police sont plus vulnérables). Ces militants enlève le pouvoir à des femmes (qui peuvent être plus vulnérables parce qu’elles font confiance à leurs camarades\partenaires (ce qui n’est PAS une faiblesse)).

Alors la violence au lieu de la soigner on la perpétue. Malheureusement.

*J’ai un p’tit exemple à rajouter en ce sens, pour appuyer ma théorie à deux cennes. Un des hommes m’ayant agressé m’a écrit dernièrement pour me faire part de ses «réflexions». Une des phrase était:

«Je crois que c’est pour me défouler que je l’ai fait, ce qui n’excuse rien.»

Ça n’excuse et ne justifie rien effectivement. Ça explique un peu parcontre.

Comment prendre soin ?

C’est certain que dans le système de santé actuel, c’est difficile de chercher de l’aide psychologique aidante et des professionnel.le.s qui nous comprennent (étant des anarcho,communistes, féministes, radicaux). En plus que les soins de santé ne soient pas très accessibles financièrement.

Cependant, il y a plusieurs groupes «révolutionnaires» qui tentent de mettre en place des services et soins accessibles pour la communauté militante: (massage, shiatsu, acupuncture,) ainsi que des groupes autonomes qui organisent des journées et soirées «care» où de la nourriture est fourni, des personnes faisant de l’écoute active sont présentes et où on peut partager nos expériences poches mais aussi nos réussites.

Prendre le temps

Il s’agit biensûr de prendre le temps. De chercher un peu c’est quoi les ressources. Et surtout c’est de voir ça comme étant AUSSI important que d’aller manifester ou d’aller à une AG, parce que c’est en prenant soin de soi qu’on pourra lutter à long terme tout en ne se défoulant pas sur nos camarades.

Valoriser le care

«C’est pas pour moi ça le care». C’est pour tout le monde le care. Tout le monde a besoin de prendre soin de soi.. pas besoin de se faire des câlins collectif pour prendre soin de soi tsé! Pis aussi que ce soit pas toujours les mêmes personnes qui s’occupent de faire du care (plus souvent qu’autrement des femmes), parce que ces personnes vont se brûler et ont aussi besoin de prendre soin d’elles-mêmes.

Fak prenez donc soin de vous, pour prendre soin des autres 😉

Backlash et réparation

Les membres du C.O.B.P ne sont pas les seul.e.s à avoir des excuses à présenter à la survivante.

Ce ne sont pas les seul.e.s à avoir backlashé, à avoir eu des réactions nuisibles (qu’on peut retrouver sur la fiche publié) face à la dénonciation , et ce ne sont pas les seul.e.s à avoir jugé (posé des questions directes, essayé de soutirer des détails, etc.) Ce ne sont pas les seul.es à avoir douté, à s’être montrer sceptiques, à questionner ce que la survivante disait (surtout en utilisant comme argument qu’elle semblait moins calme et posée que d’autres). Illes (autres personnes ayant backlashés) ont banalisé et minimisé le vécu de la survivante, en lui disant d’oublier, de pardonner, de tourner la page et en défendant l’agresseur: « il n’avait pas de mauvaises intentions». Illes l’ont ignorée, pour ne pas se mêler de l’histoire, sous prétexte que ça ne les concernait pas, et illes ont ignoré la demande d’aide explicite de la survivante. Illes l’ont culpabilisée, c’est-à-dire illes ont blâmé la survivante pour ce qui lui est arrivé, et l’injonction à tourner la page qu’illes ont fait a empêché la survivante d’exprimer les émotions négatives qu’elle vit sous prétexte qu’il ne faut pas vivre dans le passé ou que ce n’est pas bon pour elle.

Les membres du C.O.B.P on pris le temps de rencontrer la survivante, l’ont écoutée réellement, puis n’ont pas seulement exprimé verbalement leurs excuses, mais ont aussi fait des gestes concrets pour réparer certains gestes qu’illes avaient commis. Et ce n’est pas en «likant» les excuses publiques du C.O.B.P que celleux qui ont aussi participé aux backlashs réparent leurs gestes. Au contraire, c’est une forme d’hypocrisie et de déresponsabilisation. « Le C.O.B.P s’est excusé, j’suis d’accord avec le COBP, parfait on passe à un autre appel. » Non. La survivante est-elle moins isolée chez elle? Non. Risque-t-elle encore de croiser des personnes l’ayant blessée? Oui. «Oui mais je ne voulais pas y croire, tu comprends? » Non, elle ne comprend pas. Elle ne comprend pas que par déni, pour se protéger, les gens n’ont pas voulu la protéger, l’aider et la soutenir. Il faudrait qu’elle ressente de l’empathie pour des personnes qui n’en ont pas ressenti? Faudrait qu’ELLE se mette à la place des autres?

Cette victoire laisse un gout d’amertume. C’est une victoire que d’autres s’approprient, que des personnes ayant d’abord pris la défense de l’agresseur et ayant backlashé la survivante, décident de «féliciter» comme si illes y avaient participé. Accepter qu’on a eu tort, s’excuser (ailleurs que sur Facebook svp) et demander ce qu’on peut faire pour réparer notre geste, c’est plus que simplement «liker» un texte d’un collectif qui, disons-le, n’a fait que répéter ce que la survivante avait déjà dit, mais qu’on n’avait pas su entendre et accepter. C’est de se déresponsabiliser que de croire que c’est au C.O.B.P de réparer les backlashs que vous avez causé.

( Ce texte a été écrit par la survivante elle-même )

Texte public du C.O.B.P (réparation)

{EDIT 2020: Avec le recul je réalise que ce texte peut, sans le vouloir, donner l’impression que le C.O.B.P est automatiquement un collectif safe avec des membres safes qui ont des dynamiques saines et non-oppressantes et qu’iels n’ont plus à se remettre en question. Comme n’importe quel collectif, il est continuellement nécessaire de se remettre en question et bien que le processus que j’ai fait avec le C.O.B.P en 2015 m’a fait du bien à ce moment-là, ce n’est en aucun cas un «passe droit». Et je ne souhaite aucunement qu’on utilise ce texte ou qu’on instrumentalise mon expérience pour prétendre que le C.O.B.P est un collectif allié aux victimes\survivant.e.s de violences. Personnellement, je me sens pas à l’aise de lutter aux côtés d’aucun collectif avec des dudes cis}

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2015

Suite à une rencontre entre les parties suivantes: Survivante, allié.e.s de la survivantes et auteur.e.s de la lettre de dénonciation, facilitatrice, membres du C.O.B.P incluant la personne ayant créée un backlash et l’agresseur, un texte écrit en collaboration avec la survivante et approuvée par celle-ci a été rédigé. Voici le texte en question (que vous pouvez aussi retrouver sur la page facebook de «qui nous protège de la police»), précédé par un petit mot de la survivante.

«Je tiens personnellement à remercier les auteur.e.s de la lettre de dénonciation d’avoir pris la parole pour moi et d’avoir été à cette rencontre avec moi, la facilitatrice qui a pris de son temps pour cette rencontre qu’elle a rendu le plus confortable possible pour moi, ainsi que les membres d COBP s’étant déplacés qui m’ont réellement écoutés. Suite à cette rencontre j’ai senti qu’une réelle introspection allait se faire au sein du Collectif malgré la fermeture totale de la part de l’agresseur. Je me sens à nouveau à l’aise de lutter auprès du C.O.B.P. Je suis vraiment agréablement surprise de la tournure des choses avec le collectif et espère que cette expérience serve d’exemple pour d’autres collectifs et\ou groupes affinitaires.»
                                        – survivante

TEXTE PUBLIC DU COBP

Un texte du COBP en réponse à la dénonciation d’un membre au sein du COBP et en réponse à l’appel pour une manifestation féministe contre la brutalité policière dans le cadre de la JICBP avait circulé sur Facebook dans la page de «  Qui nous protège de la police !?  ». Les signataires de la lettre de dénonciation de l’agresseur au sein du COBP ont rapidement réagi en nous faisant savoir par courriel que la rencontre qui était en voie de préparation afin de discuter de l’agression était compromise par le contenu de notre lettre et qu’il s’agissait de damage control évident de la part de notre collectif. Cette rencontre servait justement à répondre aux questionnements du collectif qui jusqu’à date n’avait que les informations rapportées par l’agresseur lui-même.

La survivante nous a aussi fait savoir que cela a créé un backclash énorme et a provoqué une émotion douloureuse de revivre l’agression encore une fois. Un autre message de la survivante a été envoyé au COBP en mettant en lumière sa version des faits en 11 points et qui répliquait au contenu de notre lettre publiée sur FB. Nous admettons ne pas avoir pris en considération, avant la rencontre avec la survivante et ses alliée.e.s, les possibles informations supplémentaires avant de publier notre réponse sur facebook, ainsi nous avons partagés des informations qui étaient biaisées de par le fait qu’elles venaient de l’agresseur.

Malgré cette situation tendue et délicate, le COBP ainsi que la survivante et les auteur.e.s de la lettre de la dénonciation ont réussi à s’entendre pour une rencontre qui finalement a eu lieu le 19 mars dernier avec la présence d’une facilitatrice.

Après une longue mais constructive discussion entre les parties, le COBP et l’agresseur ont entendu la première partie des demandes de la survivante et des auteur.e.s de la lettre de dénonciation. C’est ce qui a entre autres, été amené à l’ensemble de notre collectif  :

  • Que les membres du COBP ne parlent plus de la survivante à aucune personne.

  • Que l’agresseur soit exclu de toute activité publique du COBP se contentant de faire du travail invisible.

  • Que le COBP s’engage à écrire un texte public pour clarifier et réparer son geste.

Ensuite le COBP s’est rencontré et tient à déclarer publiquement ce qui suit  :

  1. Nous reconnaissons l’ampleur des impacts néfastes de la publication ainsi que le contenu de notre lettre sur la page FB «  Qui nous protége de la police!?  ». En effet, le COBP n’as pas agit adéquatement dès le début et effectivement l’agresseur utilisait sa place au sein du collectif pour avoir priorité sur les événements, ce qui causait l’exclusion automatique de la survivante. De plus, l’agresseur n’est pas dans un processus de justice transformatrice, contrairement à ce qu’avait été publié dans notre réponse publique. Pour toutes ces raisons, nous présentons des excuses sincères à la survivante.

2- L’agresseur a été exclu de notre collectif. Cette décision à été prise par le COBP suite à des propos et comportements problématiques de l’agresseur lors de la rencontre du 19 mars dernier devant les parties présentes.

3- La personne ayant commis le backlash s’est entretenue en privé avec la survivante dans la journée même du 19 mars pour lui présenter ses sincères excuses et réparer son geste à la satisfaction de la survivante.

4- Nous nous engageons à ne plus parler de la survivante à personne à moins d’un consentement de la survivante.

5- Face à la problématique des agressions sexuelles existantes dans nos milieux de vie, nous prenons acte en vous informant que le COBP a pris la résolution de refuser toute présence d’agresseur.e.s dans son collectif ainsi que dans toutes nos activités et à la demande de quiconque, puisque plusieurs ont agressé et ont fait un processus depuis longtemps et que les survivant.e.s se sentent à l’aise qu’illes soient réintégrés

6- Nous tenons à nous excuser auprès de nos ami.e.s et allié.e.s ainsi que la communauté militante.

7- Nous tenons à remercier la survivante, les auteur.e.s de la dénonciation et la facilitatrice d’avoir pris de leur temps et énergie pour nous faire réaliser que nous n’étions pas en cohérence avec nos valeurs.

Solidairement

COBP

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