Mon récit de violence conjugale

Avertissement de contenu: violence psychologique

L’invisibilité de la violence lesbienne

C’était pas comme ce qu’on peut s’imaginer, comme ce qu’on voit à la télé.

Pas que la violence conjugale dans les couples lesbiens soit réellement représentée. 

Ça a sûrement contribué au fait que ça ait pris autant de temps avant de m’y identifier,

À la violence psychologique, une violence encore plus insidieuse que j’aurais pensé.

Le contrôle et l’isolement

Elle ne m’a jamais directement empêchée de voir mes amies,

Mais sa façon de me culpabiliser faisait en sorte que je me sentais prise.

À choisir entre ma vie sociale ou à rester avec elle dans notre nid confortable.

Mais il était si merveilleux et doux par moments, notre cocon.

Pas étonnant que je sois restée si longtemps malgré la boule que j’avais tout au fond.

Cette boule, qui me restait pris à travers la gorge, me donnait envie de crier.

Mais crier, c’est violent, c’était moi qui finissais par être blâmée.

La peur

Je savais jamais sur quelle facette d’elle j’allais tomber.

Je marchais sur des œufs pour éviter de la contrarier,

Et malgré toutes ces précautions, ce n’était jamais assez.

Elle voulait toujours plus de moi, jusqu’à ce que je sois vidée.

Sans compter les crises de jalousie et les objets brisés,

Ses réactions me faisaient peur, je ne savais plus quoi penser.

La déresponsabilisation

C’était pas intentionnel, qu’elle me disait, elle n’arrivait pas à se contrôler.

Ses émotions prenaient le dessus, elle était incapable de les gérer. 

Mais la violence n’est pas nécessairement une question d’intention de blesser,

Pour elle, c’était une question de penser à soi et ses besoins, à les prioriser

Sans égard à moi, aux impacts ou conséquences que ça pouvait me causer.

Sans penser qu’un jour, de tout ça, j’en aurai eu assez.

Pourquoi je suis restée

J’avais beau avoir toutes les notions théoriques sur la violence psychologique,

Je l’aimais trop fort et ne voulais pas que c’que j’ressentais soit logique.

Je préférais rester et essayer de lui faire comprendre

Que c’est pas comme ça qu’on traite une personne qu’on aime, du moins il me semble ?

Gaslighting (manipulation des perceptions)

Je dis ça, mais je ne savais plus ce qui était vrai ou pas, elle avait réussi à me faire douter

De mes perceptions sur tout, je sentais que j’étais en train de délirer

Et elle osait justement utiliser ma santé mentale, mon diagnostic,

Pour invalider ce que je ressentais, c’était pratique

Pour inverser les rôles en prétendant que c’était elle, la victime,

D’être accusée injustement d’être violente ; j’étais, selon elle, illégitime.

Le calme avant la tempête

Bien sûr, il y avait des moments de répit

Où je voyais se dissiper son mépris

Des moments où je sentais que je pouvais respirer

Où j’avais l’impression de l’avoir retrouvée

Mais plus la relation avançait,

Plus rares ces moments se faisaient.

Quand je suis finalement partie

Ça m’aura tout pris pour me croire, pour me choisir avant tout,

J’aurai attendu d’être malade, d’être rendue complètement à bout.

Avant de la laisser en refusant de l’entendre se justifier, me disant une fois de plus :

« Non, ce n’est pas de la violence, c’est un manque de communication, sans plus. »

Les contrecoups

Des années après, j’aimerais pouvoir dire qu’elle n’a plus d’emprise sur moi,

Mais je dois avouer que je pense encore à elle trop souvent,

Le plus difficile, pour moi, est de réussir à me pardonner

D’être restée aussi longtemps, de ne pas m’être écoutée.

Malgré tout, je continue à tranquillement me reconstruire

Et je réapprends à me faire confiance, à m’écouter, mais surtout à m’affranchir.

Isabel Matton

Pronoms: Elle/She/Her

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